Récit d’un GTJ-iste à propos d’un trek hivernal de sept jours

Nos GTJistes nous racontent leur séjour raquettes. Ils sont partis pour 7 jours de trekking hivernal. Voici le récit de leurs aventures en sept épisodes.

❄️ GTJ J1 : Métabief – Rochejean 10 bornes ❄️

Il y avait la bande des 4, le club des 5 et le clan des 7, il faudra désormais compter sur le gang des 6 raquettistes. Nous partîmes de bon matin de Bleau, sur une autoroute devenue familière, ce qui n’empêchera pas un raquettiste de se tromper de sortie.

 

À Métabief, sur le parking du tennis municipal, (encore une histoire de raquettes), nous sommes cueillis par une vigoureuse bise jurassienne qui rendra les doigts gourds pour parfaire les sacs. Petit détour par le hors sac « chauffé » avant de s’élancer sur la fameuse GTJ ! Tout le monde a bien respecté les consignes de Céline, les sacs à dos sont limités en volume mais remplis du juste nécessaire. L’itinérance c’est avant tout l’art de bannir le superflu, une juste échappatoire à notre société de surconsommation.

 

Premiers pas, craquements de la neige froide, on se chauffe les jambes sur les contreforts du Morond. On croise quelques pistes de ski, papillons multicolores qui filent en sifflant la neige, devant nous, pauvres escargots au ralenti. Les crêtes s’avèrent sublimes, panorama grand large vers Genève et les Alpes, le vent se lève, se lève et se lève. On courbe l’échine, la neige devient glace et on se prend à rêver aux plus fameuses pages de Annapurna premier 8000 pour atteindre le modeste Mont d’Or.

 

C’est le moment où le boulet du groupe décide de faire faire du parapente à sa moufle. C’est joli un gant qui disparaît dans le blizzard. Moins drôle pour les doigts…

 

La descente se fait à la coule, le long de la paisible Suisse qui protège sa neutralité (entre autres) derrière un petit muret de pierres.

 

Dans le soleil couchant, on aperçoit les yourtes. Pour une fois on ne finira pas à la frontale, les traditions se perdent. Les sourires se figent quand on s’aperçoit qu’il fait moins trois dans les bas-flancs et on s’attaque dare-dare à réchauffer l’ambiance.

 

Un quart d’heure plus tard, le poêle ronronne, espérons qu’il réussira à outrepasser le zéro degré.

Direction le refuge, pour un dîner aux chandelles avec patates au lard et morteau. So romantic !

 

 

❄️ GTJ 2 Rochejean – Chaux Neuve 22 bornes ❄️

Le couchage dans la yourte fut un concours de grand n’importe quoi. Entre ceusses qui se sont couchés tout habillés sans même ouvrir leur sac à dos et les autres qui ont enfilé leur plus belle nuisette, bref ce fut le sauve-qui-peut pour se blottir dans un lit à 5 degrés. Heureusement, quelques vestales attentives s’activèrent toute la nuit autour du poêle, pour faire culminer le thermomètre au-dessus de 10 degrés au petit matin.

 

C’est ragaillardis à la gelée de bourgeon de sapins, que nous entamèrent cette étape censée être de 19 bornes. Enfin, nous nous enfonçons dans cette fameuse forêt jurassienne, propice aux mystères et sorcellerie de la Vouivre. Quelques clairières abritent d’immenses fermes  endormies, souvenirs d’un temps ancien où la montagne était habitée à toutes saisons. De petits sentiers en sous-bois, on arrive au village de Mouthe, qui tient le record du froid en France avec son fameux -36,7 degrés le 13 janvier 1968. On conjure la réputation en déjeunant en terrasse.

 

Petit détour vers les sources mystérieuses du Doubs, rivière dont personne ne sait d’ou vient son eau très froide été comme hiver. On réajuste les bonnets et les moufles, en comprenant que la réputation de froid de Mouthe n’est pas tout à fait usurpée.

 

Les 8 km restants, en fond de vallée, ont plus tenus d’un show Holidays on Ice que de la marche hivernale. On piétine sur de grandes plaques de glace jouant aux équilibristes improvisés. Parfois ça ne fonctionne pas et cela se termine par une lourde chute.

 

Arrivée avec un beau soleil couchant à Chaux Neuve, petit détour vers un des plus grands tremplins de saut à ski du monde. Vertigineux !

 

Enfin le gîte hôtel, chauffage, douches et hôte très agréable. La vie est douce au bout du chemin.

À demain !

Les raquettistes fous.

 

 

❄️ GTJ 3 Chaux Neuve – Chalet Gaillard, 20 km ❄️

Au matin, malgré le petit déjeuner gargantuesque, un voile d’inquiétude flotte dans l’atmosphère. En cause, la météo qui nous annonce un véritable déluge divin dès la mi-journée. Il faut faire fissa pour grignoter des kilomètres avant de se noyer dans ce tsunami dépressionnaire.

 

C’est donc d’un pas alerte que nous nous enfonçons dans le Jura profond. La forêt est dense et les sentiers étroits et il faudra marcher une bonne heure avant d’apprécier les paysages formés par les grandes vallées glaciaires. Cette beauté cache mal un pays meurtri par le grand bouleversement climatique. Le manque de neige, engendre une désertification inéluctable. C’est l’hôtelier qui pleure devant la neige qui fond aussi vite que ses annulations, c’est le pisteur, jeune et philosophe qui masque mal l’inquiétude pour son avenir, c’est le loueur de ski déprimé devant son stock de ski de fond rutilant et qui ne voit jamais passer un client depuis deux ans. Un pays à l’économie fragile et à l’avenir sombre comme les nuages qui galopent dans notre dos.

 

La peur de la pluie nous a donné des ailes et on parcourt un peu plus des deux tiers de l’étape avant que la première goutte de pluie ne s’écrase sur le Goretex.

 

Les 6 derniers kilomètres seront plus humides, chacun affinant sa stratégie d’étanchéité avec plus ou moins de succès. La grimpette du fameux raidillon qui mène au refuge fait courber les échines et joue avec notre point d’équilibre. Au sommet, nous trottinons sur des sentes blanches jusqu’à découvrir, niché entre deux amas de neige, le fameux chalet Gaillard.

 

La crainte des punaises de lit impose une organisation drastique. Les sacs à dos restent dehors et on se glisse dans le grand dortoir avec un minimum vital dûment calibré dans une petite boîte en plastique. Sous le toit de tôle, la pluie cogne sa furie. Plaisir d’enfant d’être au chaud et au sec quand la tempête redouble dehors.

 

Toute la petite troupe va se serrer cette nuit en rêvant aux grandes étendues blanches.

Les raquettistes de l’arche de Noë.

 

 

❄️ GTJ 4 Chalet Gaillard – Les Rousses d’Amont 16 bornes ❄️

Quand on dort au chalet Gaillard, on peut se demander pourquoi ils ont été installer les toilettes sèches au bout d’une piste de bobsleigh ! Le départ se fait sous des averses de petite grêle qui n’arriveront pas à blanchir la neige délavée par la pluie. Qu’importe, la forêt du Risoux se révèle aussi magique que mystérieuse. La petite sente blanche se tortille entre les vieux mélèzes et hêtraies et va nous mener à Bois d’Amont. Au fil des kilomètres, le sentier blanc se transforme en chemins noirs. On décide de quitter la GTJ pour reprendre de la hauteur et retrouver le grand blanc. À nouveau, nous sommes envoutés par cette magnifique forêt du Risoux. On joue à fond l’esprit du CAF « Bleau » en évitant soigneusement les zones de protection de la faune sauvage.

 

Notre rêverie se fracasse sur les murs du vieux fort du Risoux entouré de tourelles, de douves, gardé sévèrement par une porte fortifiée. Au milieu de cette forêt, ces fortifications, témoins de l’absurdité de la guerre, nous semblent bien incongrues.

 

L’arrivée au gîte du Grand Tétras, nous réserve une énorme surprise. Cette bâtisse vieille de plusieurs siècles, recèle dans son frais sous-sol la plus grande collection de skis, depuis le 19è siècle. Car les Rousses furent très longtemps à la pointe de l’industrie du ski en bois mais également les inventeurs du snowboard. C’est une plongée dans l’histoire de l’homme et de la neige quand il y en avait beaucoup et qu’il fallait faire avec elle, avant que ça devienne un jeu. Si vous passez dans le coin, surtout ne ratez pas cet éco-musée.

 

Les raquettistes instruits.

 

 

❄️ GTJ 5 Les Rousses – Lajoux 18 bornes ❄️

Beaucoup de choses aujourd’hui pour cette journée particulière. Vous allez voir…

En quittant nos hôtes, on apprend qu’ils sont de la famille « éloignée » de Jean Tinguely. Le fameux sculpteur qui a érigé le Cyclop à Milly la forêt. Le monde est vraiment petit.

 

Après discussion et quelques bières locales, nous avons décidé d’abandonner nos raquettes, car il ne neigera plus, celle sur les sentiers est tassée glacée et dès que l’on descend… ben y’en n’a plus.

On traverse les Rousses avec le ski bus avant d’attaquer les contreforts de la mal nommée Forêt du Massacre. La brume se lève avec l’altitude, rendant le paysage ouaté, étouffant le crissement de nos pas. Parfois, un chant d’oiseau… Gelinotte, pie-chevêche, autre animal, nul ne sait. La GTJ serpente entre les grands mélèzes, gardiens du secret du massacre des 600 mercenaires de François 1er par des savoyards que l’on imagine farouches et barbares.

 

On traverse cette forêt, réserve essentielle de biodiversité qui protège lynx et grand tétras. Le respect s’impose devant cette nature préservée. Déjeuner sous les frondaisons car la pluie s’annonce. La dernière partie se fera en pèlerine et double couche de Goretex. La neige s’efface pour faire place à de drôles de pâtures toutes bosselées. Les rats taupiers dessinent des arabesques subtiles qui rappellent les motifs des mosquées arabo-andalouses.

 

Un peu après Lajoux, un dernier passage humide dans les tourbières et on arrive au gîte. Ça sent la soupe et la gentillesse. Tout est resté en l’état depuis les années 50. On sent tout de suite que l’on va être bien. C’est important car ce soir c’est l’anniversaire de Céline notre dévouée coordinatrice.

Évidemment on a prévu quelques surprises. Mais chut, vous en saurez plus demain.

 

Les raquettistes aux pieds nus.

 

 

❄️ GTJ 6 Lajoux – La Borne aux Lions – 18 bornes ❄️

Ha ! que nous étions bien chez Bernard pour fêter le « Céline Birthday ». Champagne et gâteau yaourt aux kiwis dans un décor vintage dans son jus seventies, juste parfait pour arpenter une nouvelle année. Évidemment les agapes ont suivi le cours de la soirée, en évitant tout de même le test de cryogénisation dans le lavoir. Le patronyme de notre hôte « Bernard Chevassus a l’Antoine » avait de quoi susciter notre curiosité. En fait les Chevassus ont bien œuvré (avant les conseils de Macron) pour peupler les vallées hautes jurassiennes au point de se retrouver plus de 30 000 et on ne savait plus à qui on avait affaire. Alors les anciens ont réglé le problème en créant des lignées. Ainsi notre Bernard est a l’Antoine, comme d’autres seront a Marie, a Pierre ou a Jacques. Notons que le a est bien le verbe avoir ce qui donne une petit idée de la volonté des patriarches.

 

Bref, on ne va pas vous mentir, il y a du relâchement dans la troupe quand on finit par se mettre en marche. Le matin commence dans de grands pâturages brumeux avec quelques coins de bleu dans le ciel. Il fait doux, c’est beau on est bien. Puis on s’enfonce dans la grande forêt des Molunes dont les épicéas sont ravagés par les scolytes.

 

Pause déjeuner dans la magnifique combe des Hauts de Bellecombe, centre important de ski nordique, aujourd’hui totalement déserté. Une petite auberge n’aura pas de mal à nous détourner de notre travail de marcheurs, en étalant ses tartes pommes poires.

 

La suite sera tout aussi belle à travers vallons et grosses fermes endormies. Au loin le Crêt de la neige émerge au dessus des nuages, à nos pieds la vallée de la Valserine. Charme du Jura.

Bientôt le refuge, il suffit de se laisser glisser dans la combe de la Borne aux Lions.

 

Les raquettistes Born to be alive.

 

 

❄️ GTJ 7 La Borne aux Lions – Giron 16 bornes ❄️

Et voilà c’était la dernière.

 

Elle a commencé par une super soirée dans le refuge du Berbois, un lieu créé par une ancienne modiste et un journaliste de France Culture. Super ambiance musicale, des espaces joliment décorés, un salon plein de livres, de BD et de chats qui viennent ronronner sur les genoux. Bref, un lieu magique que l’on doit une fois de plus aux talents de Céline notre organisatrice suprême. Bravo et merci…

 

Nous voilà partis avec la forte envie de fouler du blanc une dernière fois. Petite entorse au parcours de la GTJ et nous voilà à l’assaut du vertigineux Crêt de Chalam qui culmine tout de même à plus de 1500 m. En tout cas l’effort fut largement récompensé avec une vue à 360 degrés, panorama sur les Alpes et les crêtes du Jura qui donnent déjà envie de repartir.

 

La longue descente s’effectue à travers un maquis de pistes de ski de fond (désertes) qui donnent bien envie de se laisser glisser entre les sapins.

 

Pour le déjeuner, on trouve une cabane ouverte où il fait plus froid dedans que dehors. Le frichti est vite avalé et on reprend dare-dare le chemin de Giron avec la pluie qui veut nous saluer une dernière fois.

 

7 jours et 127 bornes plus tard, la douche chaude est vraiment trop bonne. Notre petite aventure est terminée, un chouette moment collectif et déjà des projets de nouvelles randos au long cours.

 

Certes nous n’aurons pas vu les étendues immaculées et les sapins chargés de neige dont nous rêvions lors des discussions préparatoires. Ce fut autre chose, un inattendu qui a fait notre bonheur 7 jours durant. Merci au CAF de Bleau de nous permettre de vivre ces moments hors du temps.

Les raquettistes en apesanteur.

 

Alain F.

 

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